Des espaces pour des paysages vivants

par Josef Göppel, membre du Bundestag allemand

Allocution commémorant les 20 années d’existence
de la Fédération allemande pour la conservation des paysages

Berlin, le 6 juin 2013


Une triade harmonieuse et éprouvée


Le concept de conservatoire des paysages repose pour l’essentiel sur la coopération à égalité de droits entre l’agriculture, la protection de la nature et la politique des collectivités locales. Cet as-semblage équitable et équilibré est source de confiance et permet de conjuguer les forces.

Klaus Töpfer, ancien ministre fédéral de l’Environnement, déclarait lors de la création de la Fé-dération allemande pour la conservation des paysages, le 4 juin 1993, ici-même à Berlin: «C’est la raison pour laquelle j’ai appuyé dès le départ le concept des conservatoires des paysages, une idée force prônant l’ouverture sur l’agriculture et sur la politique au niveau des collectivités lo-cales. C’est ce qui m’a séduit dans cette idée, dans cette structure des conservatoires des pay-sages».

La réunion de trois acteurs sociaux organisés sur le principe de la parité par tiers au sein des comités directeurs des conservatoires des paysages a fait ses preuves! À l’avenir également, les trois groupes et leurs préoccupations devront se retrouver dans cette structure dont alors la réus-site ne se démentira pas. Les noms ne jouent aucun rôle. Qu’il s’agisse d’actions locales, de sta-tions biologiques, de conservatoires naturels ou d’associations pour la préservation de la nature, l’essentiel se résume à une coopération égale en droits et librement consentie entre les collectivi-tés locales, l’agriculture et la protection de la nature.

C’est pourquoi l’art. 3 de la loi fédérale sur la protection de la nature et la conservation du paysage mentionne en particulier les conservatoires des paysages comme des organisations que les autorités responsables de la protection de la nature «chargeront en priorité d’opérations d’entretien et d’aménagement des paysages». Au moment où se tiennent ces assises, les 155 associations présentes en Allemagne aspirent à coopérer dans le domaine de l’entretien des paysages. Sur ce nombre, 140 sont membres de la Fédération allemande pour la conservation des paysages, 92 % emploient des titulaires qualifiés et formés dans le domaine de l’agriculture, dans le secteur forestier, dans l’entretien des paysages ou en biologie. Dans toute l'Allemagne, les conservatoires des paysages travaillent actuellement avec quelque 10 000 agriculteurs, dont presque 500 bergers en transhumance. Lors d’une enquête du début 2013, 73 conservatoires des paysages ont indiqué avoir, dans les deux dernières années, rallié de nouveaux agriculteurs à la cause de l’entretien des paysages. Néanmoins, un processus de concentration sur des agricul-teurs spécialisés est manifeste également dans l’entretien des paysages.

Champs d’activité


Vingt ans plus tard, l’entretien des paysages au sens classique constitue encore l’essentiel du travail. À 94 %, les associations interrogées par notre secrétaire fédéral, Jürgen Metzner, plan-tent de nouvelles haies et allées d’arbres, elles organisent l’entretien de zones vertes riches en espèces ou s’occupent de prés-vergers. À 50 % exactement, les conservatoires des paysages organisent la commercialisation de produits régionaux afin d’accroître leurs ressources finan-cières pour l’entretien des biotopes. 29 % ont désormais entamé l’exploitation énergétique de matériaux d’entretien des paysages dans des installations au biogaz et pour le chauffage au bois déchiqueté. L’exécution techniquement irréprochable de mesures de compensation et de remplacement est une tâche toujours plus importante. Désormais, 71 % des conservatoires na-turels en Allemagne sont actifs dans l’organisation de mesures compensatoires. Il s’avère ainsi que lesdites mesures intégrées à la production sur des exploitations agricoles normales peuvent donner d’excellents résultats. Mais au regard des possibilités de vie des créatures côtoyant les humains dans notre pays, cela ne suffit pas. Tout sol ouvert et qui respire, une fois bétonné, doit être compensé par un nouvel espace de vie en un autre endroit. Cela peut se faire par l’ouverture à l’air libre de zones étanchéifiées ou par la mise en valeur d’autres surfaces. L’essentiel est qu’une vie animale et végétale diversifiée puisse prospérer en cet endroit. Le règlement compensatoire fédéral ne doit pas être une coquille vide. Quiconque exige une indemnité financière en lieu et place d’une compensation réelle doit savoir que cette indemnité doit être tôt ou tard uti-lisée sur une surface donnée. Tout le reste reviendrait à fouler aux pieds le principe de respon-sabilité et à abuser l’opinion publique. Dans les 20 dernières années, la surface occupée par le bâti et les voies de circulation est passée de 12 à 14 % en République fédérale d'Allemagne. Sans obligation de compenser, le bétonnage des espaces se poursuivrait au même rythme. Objecter à l’affectation de terres pour la protection de la nature n’est défendable qu’à la condition préalable de s’opposer aussi aux atteintes à la nature.

La réforme agraire 2014

Quiconque aime sa terre ne peut rester neutre dans le débat sur la configuration future de notre pays. Nous voulons un pays dont la civilisation et la technique soient élevées, mais aussi dans lequel les espèces animales et végétales de notre patrimoine naturel trouvent une place pour vivre. À cet égard, le point le plus douloureux actuellement ne peut être passé sous silence : de-puis les années quatre-vingt, les espèces d’oiseaux vivant dans les espaces agricoles européens ont pratiquement diminué de 50 %.  Les espèces qui couvent au sol, alouettes des champs, vanneaux et perdrix par exemple, sont les premières décimées. Cela est le signe d’intensifications qui ont bien eu lieu dans les décennies passées et qui ne répondent pas à l’ambition de durabilité affichée par l’agriculture. Raison pour laquelle les conservatoires des paysages plaident pour des espaces écologiques prioritaires. Une part de 5 % ne suffit pas à stopper la disparition des espèces, mais c’est un début. Les acteurs de l’entretien des espaces sur le terrain sont de tout cœur reconnaissants à Dacian Cioloş, commissaire à l'Agriculture, pour son initiative en faveur du marquage obligatoire de surfaces écologiques prioritaires. L’important est désormais le relèvement à 7 % au milieu de la période de subventionnement, et sans relancer à zéro une nouvelle procédure législative qui ne mènerait à rien. Sous l’angle de vue de l’entretien des paysages, l’aménagement des surfaces écologiques prioritaires peut s’adapter en souplesse à la situation de l’endroit. Ainsi, la Fédération allemande pour la conservation des paysages, dans toutes ses prises de position adressées à Bruxelles, a plaidé pour la culture de trèfle et de luzerne sur des surfaces écologiques prioritaires. Il est décisif d’établir une corrélation obligatoire avec la prime agricole afin que se constitue véritablement une mosaïque de parcelles sur lesquelles la vie puisse s’épanouir dans toute sa diversité.

En vue des dernières semaines du trilogue, à savoir les pourparlers entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission à Bruxelles, les organisations européennes de préservation des paysages ont soumis trois revendications :

1.    À l’avenir, les agriculteurs regroupés aux fins de préservation du patrimoine naturel devront être également considérés comme des agriculteurs actifs.
2.    La définition des espaces verts doit englober aussi les pacages, herbages et landes de grande surface, à défaut de quoi leur exploitation ne pourra plus être maintenue.
3.    Le programme de «Développement rural» et de mesures agro-environnementales est manifestement sous-financé par rapport à ses objectifs affichés. Il ne peut plus désormais y être remédié que par une réaffectation limitée de fonds depuis le pilier de financement I vers le pilier II et par sa concentration sur la fourniture de biens publics.

Par courrier du 11 avril 2013 adressé à la Fédération allemande pour la conservation des pay-sages, Georg Häusler, chef de cabinet, a procédé à une orientation importante de tous les con-servatoires des paysages. Il y est dit : «Si les conservatoires des paysages mettent en chantier de nouveaux champs d’activité, ceux-ci peuvent être parfaitement vus comme des coopérations nouvellement mises en route et, à ce titre, bénéficier des subventions visées à l’article 36 du nouveau règlement.» Les conservatoires des paysages voient s’ouvrir ici un vaste et nouveau champ d’activités, à savoir la gestion des surfaces écologiques prioritaires en rapport avec les exploitations et sur commande des propriétaire fonciers concernés. J’appelle cela gestion de la valeur naturelle parce que la localisation judicieuse de ces terres accroît leur valeur natu-relle et par là-même optimise leur intégration dans les processus d’exploitation.

Landcare Europe

Le nouveau cadre politique à partir de 2014 n’est rien de moins qu’une invitation à constituer un réseau des organisations européennes de préservation des paysages. Des collectivités de six États membres jusqu'ici s’y préparent conjointement depuis deux ans. Objectif : procurer une plate-forme bruxelloise aux organisations de terrain actives dans la préservation des paysages et soumettre en temps réel leurs expériences aux instances européennes. La création d’un bureau commun fait déjà l’objet d’une proposition du Luxembourg.

Ce ne sont pas les tâches qui manquent. Un exemple en est la « simplification » de la réglementation des semences présentée début mai par Tonio Borg, commissaire à la Santé. En son état actuel, le texte fait passer les espèces régionales à la trappe. La relégation de telles espèces dans le domaine du jardinage amateur serait préjudiciable à la diversité et à la pérennité génétique de la flore en Europe.

«Fondation des Paysages allemands»

Notre «Fondation des Paysages allemands» existe depuis 11 années déjà. Gérant des fonds d’un montant de 1,3 million d’euros désormais, elle enlève aux divers conservatoires des pay-sages le souci de trouver des placements financiers sains et sûrs, et elle organise le rapatriement des fonds pour des mesures prévues dans le cadre de projets. Les conservatoires allemands des paysages ont ainsi en main un instrument faisant d’eux des partenaires intéressants pour la mise en œuvre de mesures compensatoires d’organismes aussi vastes que l’Agence fédérale des réseaux ou la Deutsche Bahn (Chemins de fer allemands). Ce qu’un conservatoire ne peut réa-liser seul, nous le réalisons ensemble !

Partenaire des autorités

Dès même la fondation de la Fédération allemande pour la conservation des paysages, il y a 20 ans, les conservatoires naturels ont été décrits sous leur caractère d’organismes de mise en œuvre appelés à prêter leur concours aux organes administratifs des collectivités locales et de l'État. Il en est ainsi aujourd'hui encore. Les conservatoires des paysages assurent l’utilisation en bonne et due forme des fonds publics et effectuent les indispensables contrôles des surfaces. Mainte tâche des autorités des Länder s’en trouve facilitée : ce que les conservatoires des pay-sages leur soumettent est concerté au niveau local et largement cautionné. Avant toute chose, l’implication des responsables politiques communaux conforte la position des administrations agricoles et environnementales pendant les débats budgétaires. Grâce aux conservatoires des paysages, un climat de coopération constructive s’installe progressivement dans le domaine de l’environnement, comme cela est de coutume depuis des décennies dans le domaine social entre l’administration et les œuvres de bienfaisance non gouvernementales.

Le ministère fédéral de l’Agriculture octroie à la Fédération allemande pour la conservation des paysages une aide institutionnelle de base qui représente 18 % de notre budget actuellement.

À ce titre, je remercie cordialement la direction du ministère, la ministre Ilse Aigner et le secré-taire d’État Peter Bleser, de même que mes collègues du Bundestag au sein de la commission du budget. La Fédération allemande pour la conservation des paysages entend mériter cette confiance par son haut degré de professionnalisme, notamment en faisant remonter vers le ministère des enseignements pratiques toujours d’actualité. Aux yeux du ministère fédéral de l’Environnement, la protection de la nature telle que perçue par l’opinion publique a quelque peu reculé au second plan en raison des débats controversés sur la reconversion énergétique. Les aides de ce ministère à des associations et à des projets ne perdent toutefois rien de leur impor-tance décisive pour la mise en route d’innovations techniques.

Idéalistes

En conclusion, je souhaiterais m’adresser une fois encore en particulier aux membres des comi-tés directeurs et aux administrateurs des conservatoires des paysages représentés ici. Lors de visites auprès de nos associations affiliées, c’est toujours avec haute estime que je considère l’engagement personnel tout à fait remarquable des femmes et des hommes de terrain. Seuls des idéalistes peuvent fournir sur le long terme un travail d’édification aussi productif. C’est à vous, membres des comités directeurs et administrateurs des associations régionales de conser-vation de la nature, que j’adresse mes remerciements les plus appuyés. Notre bonne réputation repose sur la qualité professionnelle de votre travail ! Nos efforts visant à obtenir dans l’espace politique des fonds suffisants pour ce travail ne se relâcheront pas. D’autant plus important est l’ancrage de notre idée auprès des nombreuses personnes disposées à faire quelque chose pour la nature dans leur pays. C’est ce que cherche à exprimer la photographie de couverture sur la carte d’invitation à ces assises de la préservation des paysages: 200 mains pour la Nature. Dans le monde des réseaux sociaux, de telles initiatives peuvent modifier jusqu'à la politique, comme l’ont démontré 1,5 million de bulletins électroniques contre la privatisation de l’eau potable. Les conservatoires des paysages concourent à une grande œuvre. Ils préservent ce que notre Terre a de plus précieux. Préserver la naturalité, l’authenticité, l’unicité dans le monde de la technique éveille fréquemment la nostalgie de nombreuses personnes. Guidés par ce fil rouge dans nos cœurs, c’est avec succès que nous traverserons aussi les décennies à venir.